( Articles de presse )
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Plutôt rouges que morts !


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( Extrait du magazine "Music Up!" (n°4 - Juillet 1999). )

Dans la tourmente il y a encore peu (drogues, dégoût de la musique, line-up instable), les haineux aînés californiens sont finalement toujours là, une bonne dose d'histoires de cul sous le crane et, changement d'orientation musicale, une grosse douzaine de titres mélancoliques et accrocheurs sur les bandes.

« J'ai beaucoup de chance de faire partie de ce groupe. J'ai eu, tout au long de ma carrière, des expériences très intéressantes et d'une certaine façon, elles m'ont toutes menées jusqu'ici. Mes origines musicales ne sont pas exactement les mêmes que celles des autres membres. Voilà treize années que je travaille essentiellement seul et sur un terrain plutôt mélodique, alors que les Red Hots explorent une musique plus, disons, radicale. Pourtant, la rencontre de ces éléments différents fut une chance et non une source de conflit entre nous ». Dave Navarro, également guitariste au sein de Jane's Addiction, se doute-t-il que trois années après cette déclaration de bonnes intentions (il sort de l'enregistrement de One Hot Minute), Anthony Kiedis (chant) et Flea (basse) déclareraient, de concert, que leurs relations professionnelles avec Navarro n'avaient jamais été constructives et que seul John Frusciante pouvait, en revenant, leur redonner la foi et les sortir de la glande dans laquelle ils s'enlisaient depuis plus d'un an...

Changer d'airs !

Absent depuis Blood Sugar Sex Magik (1991) pour cause d'envies parallèles, genre carrière solo puis, plus facilement, genre coka-héro, le virtuose de la six-cordes John Frusciante revient au bercail. Cérébralement et sanguinement propre. Comme entre 89 et 92, pour Mother's Milk, déjà le quatrième album des Piments exhibis, et Blood Sugar Sex Magik, il a décidé de s'investir totalement et les trois autres sont loin d'être fâchés de retrouver leur vieux pote de chambrée. Comme une nouvelle jeunesse, que ça leur fait, d'autant plus que le John a toujours été le plus jeune et risque de le rester un moment... Sur Californication, le nouvel album après quatre ans de non-créativité et d'enrichissement toujours grandissant des narco-trafiquants-amis-des-stars, les parties de guitare sont d'une beauté à tomber (« Le solo totalement reptilien, extasiant, tout à l'ancienne de "Savior" » - selon Phil Manoeuvre, et l'on ne pourrait mieux dire), répondant ironiquement, savamment aux coups rythmiques de la paire Flea / Chad Smith et aux décollages lyriques franchement réussis d'Anthony Kiedis.

Sous l'océan...

Se retrouver aux Ocean Way Recording Studios (anciennement United Western), là même où Frank Sinatra enregistra, puis lieu où Brian Wilson mis la dernière touche à Pet Sounds, n'est pas le moins motivant. Michael Balzary, alias Flea, 36 ans, arbore un sweat shirt vert sombre, sur lequel on peut lire, en petit : Fuck You. Message éternel, jamais mauvais à rappeler. Affalé sur un canapé, il ré-écoute avec, semble-t-il, délice, le percutant "Around The world" (qui ouvre l'album), l'une des vingt-huit chansons enregistrées depuis trois semaines par le groupe, à nouveau au sommet de la forme et de l'inspiration. « Anthony n'a toujours pas terminé le texte ! », hurle Flea. Depuis l'été (98), Frusciante, Smith et Flea ont composé tellement vite que Kiedis, qui écrit paroles et mélodies, lutte quotidiennement (et avec un vrai bonheur dans l'émulation) pour suivre ce rythme à nouveau infernal.

A ce point de l'enregistrement (nous sommes à l'orée de cette dernière année du deuxième millénaire), le titre de l'album n'est toujours pas trouvé et certains titres, provisoirement retenus, ne figureront pas sur l'album que, bien évidemment, vous avez déjà tous entre les oreilles. C'est le cas de "Phfat Dance" ou de "Gong Li". « Beaucoup des morceaux sont le résultat de jams », explique Flea, au moment même où Kiedis, Frusciante et Rick Rubin débarquent dans le studio, motivés pour une autre nuit de dur labeur. « Dès que John a décidé de revenir », poursuit Flea, « on s'est mis, lui et moi, à bosser dans mon garage tout l'été ! »

Welcome Home !...

« C'est Flea qui est à l'origine de ces retrouvailles », rajoute Kiedis, entre deux overdubs de voix. « Quand il nous l'a proposé, j'étais totalement partant, mais sincèrement, je ne croyais pas que l'alchimie pourrait à nouveau fonctionner... et dès le premier jour où l'on s'est réunis pour jouer, je me suis retrouvé sur un nuage ».

En 1988, le guitariste de l'époque (sept gratteux sont passés depuis 1983), Hillel Slovak, meurt d'overdose. En mai 1992, Frusciante décide brusquement de quitter le navire, alors que le groupe est à quelques dizaines d'heures de monter en vedette, sur la scène du Lollapalooza, cette tournée US itinérante depuis bien mal en point. Il déclare « ne jamais avoir entendu One Hot Minute », l'album de 1995 réalisé avec Navarro. « Mon esprit de très jeune homme était plus que confus au moment où j'ai quitté le groupe », sourit-il aujourd'hui, du haut de ses vingt-neuf ans. « Je considérais la célébrité comme le mal absolu. Ce n'est plus le cas ! » et le voilà revenu, après plusieurs années d'inactivité (à deux albums solos près, des chansons qu'il avait d'ailleurs composé à l'époque Red Hot), de dépression et de dépendance à l'héroïne.

A 36 ans, Kiedis parle, par besoin autant que par nécessité, de son propre problème de dépendance aux drogues dures, « toujours pas définitivement résolu, même si quand tout va bien, je sais m'en passer. Honnêtement, je m'inquiète plus de ma santé que de celle de John. Il a réussi à ne plus y toucher pendant plus longtemps que moi. Ecrire "Under The Bridge" et en faire un hit ne fut pas une thérapie suffisante... » ; et d'ajouter : « Si le goupe existe encore, c'est d'abord grâce à Flea et Chad, dont la patience et la compassion n'eurent d'égal, pendant toutes ces épreuves, que leur volonté de poursuivre l'aventure Peppers ». La réalité est légèrement différente, puisque Flea décrit l'année qui précède le retour de Frusciante comme « l'année du rien » et qu'il commençait sérieusement à envisager une carrière solo.

Back into the system ?...

« Au moment où l'on s'est retrouvé », raconte Rick Rubin, « ils avaient déjà beaucoup écrit et le fait qu'ils n'aient pas enregistré quoi que ce soit depuis un petit moment était une bonne chose. Ils débordaient d'énergie. Ils étaient prêts ». Rubin se souvient que bien avant Blood Sugar..., il avait déjà été proposé produire le groupe, à l'époque de Slovak. « J'étais allé les voir. Ils étaient pitoyables, bouffés par les drogues. En entrant dans la pièce, les découvrant ainsi, j'avais trouvé ça moche. Je ne voulais pas travailler avec eux. Puis, en les retrouvant pour Blood Sugar..., je les découvrais sous un jour totalement différent. Presque un autre groupe, contrôlant parfaitement sa destiné, volontaire pour réaliser quelque chose de bien. Pour ce nouvel album, on a retrouvé le même genre d'énergie, mais leur situation n'est plus la même. Ils n'ont plus à faire face au succès qui arrive et à toute cette merde qui va avec le fait d'être un "grand groupe". Maintenant, ils sont plus adultes ».

Californication est moins basiquement jouissif et hédoniste que son titre, volontairement trompeur pourrait le suggérer. C'est plutôt un recueil doux-amer, le récit d'occasions merveilleuses et lumineuses et de promesses non tenues. « Ce disque décline le thème, international, de la Californie et d'Hollywood », explique Kiedis, « et de ses bons et mauvais cotés ; de la façon dont les gens rêvent de ce lieu étrange et magique, qui est, finalement, un petit peu le bout du monde, le dernier arrêt du monde de l'Ouest ».

Aux dernières nouvelles, les Red Hot Chili Peppers devraient être parmi ceux qui compteront d'ici ce putain d'an 2 000 qu'on va finir par avoir hâte de passer, histoire de se consacrer à des célébrations et des dépenses de milliards moins bidons. Ils joueront, beaucoup, aux quatre coins de la planète, et essentiellement lors de concerts-événements, qu'il s'agisse d'une tournée de petits clubs en juin, notamment en Europe (en France, c'était le 8 juin...), de méga-shows comme Woodstock 99 (rires jaunes...), Reading et Leeds Festivals (en août) ou encore une série de gigs sous la bannière "Teen Tolerate Shows", suite à l'assassinat de quatorze adolescents et de leur professeur à Littleton, dans le Colorado, en avril dernier. Sur ces dates caritatives et à vocation démago, pardon, pédagogique (dans chaque ville où un concert est prévu, on demandera à des adolescents de faire des suggestions pour enrayer ce type de violence...), sont également prévus Korn, Sinead O'Connor et Paul McCartney. Et les Beatles, au fait ? Laissons Chad conclure : « Il me semble que ce serait difficile de ne pas subir leur influence... sauf lorsque tu es R.E.M., évidemment ».

Tous ensemble : It's the end of the world as we know it...


par Marc-Emmanuel Konigson


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