( Articles de presse )
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Set Me Flea
La cuisine des goûts


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( Extrait du magazine "Bass Collector's" (n°1 - Mars 1997). )

D'ordinaire, les bassistes, tout comme les batteurs, passent pour des personnages effacés, dont le rôle au sein du groupe se borne à l'écriture et à l'interprétation de leurs partitions. Ceci au profit des chanteurs et guitaristes, qui, eux, ont le beau rôle, celui de l'extraverti. En ce qui concerne les Chili Peppers, et plus particulièrement Flea, la tendance, loin d'être inversée, est à l'égalité, voir à la fraternité. La magie des Red Hot résulte de la spécificité de chaque musicien, de l'expression de la personnalité de chacun. Flea apporte à sa formation un ingrédient qui laisse des traces gustatives évidentes dans la cuisine pepperienne, Il relève les compos du groupe, en y insufflant groove et funk, mais en respectant la saveur des autres condiments. La cuisine des Californiens tire son originalité de cet équilibre des goûts : tout en force et en finesse.

GRAND TIMIDE

«Quand j'étais gamin, j'étais à la fois complètement introverti et terrifié par les gens.» Comme tous les paradoxes, celui-ci est révélateur de la personnalité du bassiste : Flea est doté de l'audace des timides. Aucune mesure entre l'introversion totale et l'extraversion délurée. Mais avant d'explorer plus avant le moi profond de Michael Balzary, un bref historique du personnage s'impose.

Né à Melboume, en Australie, Flea a quitté sa terre natale après le divorce de ses parents et le remariage de sa mère avec un bassiste de jazz. Walter Urban Junior «était alcoolique, junkie et très violent», d'après les termes employés par Flea. «Etre un bon père est ma préoccupation numéro un dans la vie.» On comprend sans peine que l'enfant timide qu'il était, livré à lui-même, refuse de laisser sa propre fille faire l'expérience des mêmes déboires. «J'ai vécu beaucoup de choses auxquelles les enfants ne devraient pas être confrontés.» Au cours de son adolescence, Flea aura également écumé les gangs locaux, s'adonnant à des activités pas toujours recommandables. «Je cambriolais des maisons, je volais tout ce qui n'étais pas cloué au sol. J'étais un enfant des rues, un bon à rien. Je n'avais pas d'argent et nulle part où aller. J'étais un homme à l'état sauvage.» Flea rencontre Kiedis au collège de Fairfax, vers l'âge de onze ans et tout deux deviennent très rapidement copains. Deux hommes «à l'état sauvage», qui vont trouver dans la musique et dans la drogue le terrain idéal pour construire leur amitié. «Si tu grandis à Hollywood, c'est là que sont les drogues. Tes profs te disent : «Ne fume pas d'herbe ou tu seras un junkie». Tu fumes et tu ne deviens pas junkie. Alors, tu essaies l'héroine. Il faut être honnête avec ses enfants : il y a une monstrueuse différence entre l'herbe et l'héroine ; tu ne peux pas dire que les deux sont de la drogue.» Flea l'a donc appris à ses dépens, comme pas mal de ses amis.

TROMPINETTE

L'ancien trompettiste laisse son premier instrument pour la basse et se commet dans différentes formations punkoïdes et funkoïdes. Anthem, son premier groupe, était composé de copains d'école : le guitariste Hillel Slovak, d'origine israélienne et Jack Irons à la batterie. Anthony Kiedis était leur fan numéro un. Voilà pour le funkoïde ; le punkoïde étant l'anecdotique Fear, dont la réputation vaudra tout de même au bassiste d'être sollicité par PIL, groupe de l'ex-no-futur Johnny «Rotten» Lydon, récemment reconverti punk le temps d'une daube live réchauffée. Mais tout cela le laisse de marbre et Flea se lance, avec cette fois Kiedis au chant, dans une nouvelle aventure qui dénote déjà un goût prononcé pour les noms à rallonge : Tony Flow And The Miraculously Majestic Masters of Mayhem. Il s'agit en fait d'une expérience d'un soir. Slovak et Irons sont bien entendu de la fête, délaissant un instant leur projet parallèle, What Is This ?, qui disparaîtra rapidement par la suite. Mais au stade de Tony Flow etc., le but est surtout gaguesque : «L'idée était d'être cool, de m'amuser avec mes copains et de choquer tout le monde quand on jouait dans des petits clubs à Hollywood.» Finalement rien n'a changé ! Ce concert impromptu va donner l'impulsion aux Red Hot Chili Peppers, dont les albums vont s'enchaîner avec un succès essentiellement underground, émaillé des drames que l'on sait. Entre autre, les Red Hot vont franchir une étape décisive, lorsque leur guitariste attitré et ami de longue date décèdera d'une overdose. Le groupe sera profondément touché ; Kiedis fera une dépression nerveuse et Jack Irons quittera même le groupe, après un séjour en hôpital psychiatrique. Kiedis est par ailleurs connu pour cultiver une insatisfaction profonde et pathologique, dont il commence à peine à entrevoir aujourd'hui les raisons fondamentales et à se dépêtrer.

Le tournant commercial se matérialisera avec l'album «BloodSugarSexMagic» (1991) et ses tubes interplanétaires, où l'on ressent plus que jamais la présence groovante de Flea. Par ailleurs, cet album produit par Rick Rubin, une pointure du genre metal, est pour beaucoup dans la cohésion qui transparaît pour la première fois dans les compos des Chili Peppers. C'est lui qui va exhorter Anthony Kiedis à sortir Under The Bridge de ses tiroirs pour le faire figurer sur l'album. Il aura également la géniale idée d'offrir une guitare Martin acoustique à Flea, ce qui va donner au bassiste l'occasion de développer ses talents de compositeur. En effet, au lieu de rechercher uniquement le groove et le rythme, cette nouvelle incursion dans le monde musical de Flea va faire profiter le groupe de sa géniale inspiration. Plus encore dans le dernier opus pepperien, son influence se fait sentir. Même si c'est la collaboration avec Navarro qui a donné au «One Hot Minute» l'essentiel de son esprit et de sa texture, c'est toujours Flea qui reste le guide du projet. «Je n'ai pas toujours joué un grand rôle dans l'écriture des morceaux, mais pour certaines chansons de «One Hot Minute», j'ai écrit les accords, la mélodie et la plupart des paroles. J'ai écrit une grande partie des paroles de Deep Kick et Transcending, par exemple.»

Le travail de composition de ce dernier opus s'est fait à Hawaï, essentiellement entre Navarro et Flea. «Pour la première fois, j'ai senti que le fardeau reposait sur moi, à cause de la façon dont Dave crée. Il agit plus comme une sorte de réacteur. J'ai donc dû faire davantage un travail d'écriture». C'est ce fameux effort d'écriture qui a transformé sa façon de composer. «Un des pièges dans lesquels je peux tomber quant à mon jeu, c'est que mes doigts se «coincent» toujours dans les mêmes schémas, ce qui me fait jouer toujours les mêmes choses. Par exemple, Dave a écrit la fin, d'ailleurs très belle, de Warped, et j'ai chanté la ligne de basse mélodique avant de la jouer. Chaque fois que je joue sur la musique de quelqu'un d'autre, j'en chante presque toujours une ligne avant de toucher ma basse. C'est la chose la plus importante quand on joue avec les autres : écouter. Il vaut mieux ne rien jouer et écouter plutôt que de jouer une chiée de notes et se comporter comme un trou-du-cul égoïste. C'est plus respectueux et ça fait de la bonne musique.» La preuve. Flea a cependant sa hot minute de gloire pour lui tout seul avec The Little Pea, un titre qui n'aurait pas pu lui aller mieux. «Je l'ai écrit après avoir passé un grand moment dans la nature. Je crois que c'était au Costa Rica, loin de la ville, de l'argent, du pouvoir et de toutes ces possessions matérielles. J'étais loin de tout et j'y ai gagné en perspectives ; j'ai réalisé à quel point tout cela était insignifiant et à quel point j'étais insignifiant, ce qui me rend très heureux.» Le Flea délinquant est donc bien loin, pour laisser place au Flea coeur tendre («Je pense qu'il n'y a rien de plus hardcore que d'être un être aimant.»), qui a fait participer sa fille Clara, sept ans, aux choeurs d'Aeroplane. Père de famille, mais pas embourgeoisé pour autant, il ne manque pas de se dénuder dans le feu de l'action (comme en atteste leur dernier concert parisien !) et garde un regard frais sur la musique : «Mon meilleur conseil pour quelqu'un qui veut jouer de la musique, c'est : faites comme si la musique était une grande Mona Lisa, et peignez-lui des moustaches !»


par Cinderella


( FIGURES DE STYLE )

La musique des Red Hot Chili Peppers est un vrai théâtre de rock music, tour à tour punk, psyché, ballades sixties, funk, acid jazz, etc.. Nos quatre gaillards ont largement assimilé tous ces styles et d'autres encore et vont jusqu'à innover dans chacun d'eux.

Avec «One Hot Minute» et l'arrivée de Dave Navarro, énième guitariste, le son des Red Hot évolue considérablement. Il devient plus «chaud», plus coloré et plus riche sur le plan harmonique. on peut entendre beaucoup plus de pistes de guitare enregistrées qu'auparavant, au détriment de l'énergie des premiers albums diront certains.

En tout cas, comme sur les premiers albums, ce sont les lignes de basse de Flea qui ont guidé le projet.

LA BASSE

Venons-en à notre moustique, le psyché-slapper, Michael Balzary dit Flea. Passons rapidement sur sa génèse, rappelons simplement qu'il baigne dans le son de la basse depuis tout petit puisque sa mère, en quittant l'Australie épouse un bassiste de jazz.

Un peu plus tard, il découvre la rock music avec des groupes comme Led Zeppelin ou Hendrix. C'est au lycée que Hillel Slovak va le convaincre de se mettre à la basse, la première mouture des Red Hot, Tony Flow and The Miraculous Majestic Master of Mayem, est née.

A trente-trois ans, Flea, complètement autodidacte, rappelons-le, fait l'unanimité dans le monde de la basse et incarne «le bassiste des années 90».

LE STYLE

Flea maîtrise de nombreuses techniques de basse :

EN DETAIL

MATOS

Flea possède six Musicman Stingray dont une 5-cordes (sur scène, il passe ainsi plus rapidement d'un accordage à l'autre). Pour «One Hot Minute», excepté sur Aeroplane, il abandonne provisoirement ses Musicman qu'il trouve un peu faible dans les aigus, pour une Alembic (Epic).

En ce qui concerne les effets, il utilise sur scène trois pédales Boss (Auto-wah, bass overdrive, dynamic filter) et un préampli MXR le tout relié à un compresseur DBX 160X. Pour «One Hot Minute», il a rajouté une pédale Bassballs Electro Harmonix qu'on peut entendre dans le chorus de Coffee Shop.

Du côté amplification, il a opté pour quatre têtes Gallien Kruger ; l'une d'entre elles sert de contrôle Master et les trois autres d'amplis de puissance. La tête Master est reliée à deux retours de scène et les têtes de puissance à trois baffles équipées de haut-parleurs Mesa Boogie.


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