( Articles de presse )
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Quelques minutes... épicées


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( Extrait du magazine "HARD N' HEAVY" (n°18 - Octobre 1995). )


On a failli attendre ! Après deux années de
vagabondage, les Red Hot Chili Peppers sont de retour
avec l'album "One Hot Minute" dans leur escarcelle et
un nouveau guitariste, Dave Navarro, sous le bras.
Hard N' Heavy a rencontré Anthony Kiedis et Chad Smith,
peu avares d'anecdotes... pimentées !

Londres, 1995. Dépêchés in extremis en paquet de dix sur les lieux du "Funky Crime", la presse-papiers frenchy et les caméras volantes de "la petite chaîne qui monte" étaient convoyés dare-dare vers le grand raout médiatique européen des nerveux du groove pour un marathon industriel découpé en tranches de quarante minutes. En retour de grâce depuis leur prestation lumineuse au Woodstock bis et la sortie toute chaude d'un One Hot Minute à la hauteur sonique de l'attente, les Red Hot Chili Peppers repartent à l'assaut du globe avec le joker Dave Navarro, nouvel artisan en chef de la rifferie pimentée et petit génie du happening (les ampoules géantes et les tenues d'Hendrix avec perruques, c'était lui !). Regonflés à bloc après deux ans d'errances diverses - annonce de guitariste fantôme, auditions fleuves inutiles, retour de plonge dans l'expédient illicite et plongeons collectifs salutaires dans la mer de Hawaï en guise de préparatifs compositeurs - les Peppers laissaient pourtant l'impression, dans une première fournée d'interviews plus ou moins bien senties, que l'univers frappadingue et l'essence psycho-sex-funk-cosmic coutumiers la mettait en sourdine pour un état d'esprit graduellement plus... bizarro-dépressif. Rassuré par l'insolence chenapante des quatre lurons aux MTV Movie Awards où ils incendiaient les planches d'un "Warped" (premier single et clip) psyché-Zeppelinien, votre dévoué serviteur, bien décidé à réhabiliter le boyau de la pignolade chez ces ostrogoths d'Hollywood, attaquait presto dans le gras du sujet, rayon anecdotique. Le micro planté à l'intersection Anthony Kiedis-Chad Smith. Voici la partie de ping-pong verbale la plus Chili du moment, telle quelle et sans censure...

Hard N' Heavy : Avant même de rentrer dans le hot du sujet, juste une question : avez-vous réellement donné votre approbation à la compil' de EMI, Out In L.A., ou était-ce encore une gentille guéguerre entre corporations à but lucratif ?

Anthony Kiedis : A vrai dire EMI avait encore légalement le droit de sortir un album supplémentaire des Red Hot Chili Peppers, et ce, même si nous avions déjà un autre album sorti sur Warner Bros. Que cela nous plaise ou non, que l'on y contribue ou pas, ils étaient de toute façon décidés à sortir un lot de remixes lourdingues, alors pour parer à cette sombre éventualité nous leur avons proposé quelque chose qui à notre avis était de toute manière plus cool, c'est-à-dire notre première démo enregistrée en 1982 accompagnée de quelques notes autobiographiques. Nous leur avons donc réellement donné notre approbation.

Recherche guitariste désespérément

Quatre années séparent One Hot Minute de Blood Sugar Sex Magik, quatre années et... trois guitaristes. Après Arik Marshall et l'éclair Jesse Tobias, il y avait la perspective Navarro, mais vous avez alors quand même tenu à auditionner environ... 500 types, d'après ce qu'a raconté Chad dans le dernier numéro d'un confrère "battant", avant de contacter Dave. Quelle perte de temps !

Chad Smith : J'ai dit ça ? Alors j'ai menti ! ça devait être plus proche des deux cents...

Anthony : C'était une très mauvaise idée, mais il faut avouer qu'on était complètement perdus, confus et frustrés à ce moment-là, on ne savait plus quoi faire. Il nous fallait absolument trouver ce guitariste mais rien ne se passait, personne n'avait encore franchi le pas de notre porte en disant « C'est moi ! », alors on s'est finalement lancés dans ce processus long et fastidieux des auditions qui, avec le recul, n'avait effectivement aucun sens et n'aurait de toute façon jamais pu marcher vu ce que nous avions déjà en tête. Car au fond de notre coeur et dans notre subconscient, nous savions tous que nous voulions Dave Navarro, que c'était une question de temps et de destin, jusqu'à ce jour où il est finalement venu jammer avec nous. Et ce jour-là, ce fut sans un mot...

Chad : Sans un mot ?

Anthony : Ce fut sans un mot, mais on savait déjà qu'il était le nouveau Red Hot Chili Pepper...

Chad : Excuse-moi, mais c'est plutôt jusqu'à ce jour-là que ce fut sans un mot, parce que Dave avait déjà laissé un message sur le répondeur de Flea en réponse à son invitation à venir jammer alors qu'il savait que nous avions déjà un guitariste à l'époque. Et c'est seulement après écoute du message que nous avons commencé à réenvisager l'avenir. Quand Flea nous a demandé si ça nous branchait de jammer avec Dave Navarro, on a lâché un « Euh... oui » détaché de types qui ont une énorme envie d'exploser mais qui contiennent leur joie...

On peut imaginer. D'ailleurs, Anthony, ne me disais-tu pas toi-même, à la sortie de Blood Sugar Sex Magik, que Jane's Addiction était ton groupe préféré ?...

Anthony : J'ai dit ça ? Alors j'ai dû mentir aussi...

Chad : Attention, Jane's Addiction fut un très très grand groupe de rock, et nous en avons tous été particulièrement friands. Définitivement un mégagiga groupe avec le jeu de guitare incroyable de Dave qui nous donnait envie de penser qu'il était certainement le seul type sur la planète capable de remplir cette tâche délicate. L'histoire nous a donné raison, je crois...

Ouïsiblement ! Dans cet ordre d'idées, qu'avez-vous franchement pensé de l'album solo de votre ancien camarade John Frusciante ? (silence et recueillement...)

Anthony : Pour moi, John est une intelligence supérieure de la musique, un artiste étonnant de la tête aux pieds. J'ai malgré tout un peu de mal à écouter cet album parce que cela me rend triste, mais je n'ai pas le souvenir d'avoir jamais entendu ou vu quelque chose de lui qui m'ait déplu.

Chad : Il y a des passages de l'album que j'ai vraiment adorés, et d'autres qui m'ont quelque peu... déconcerté, mais sur l'ensemble, disons que le brillant l'emporte sur le déconcertant car John est un véritable artiste. Cela dit, l'écoute de l'album m'attriste aussi car je sais à quel point John est une âme torturée, et il m'est assez difficile de rester totalement objectif à ce sujet. En tout cas je lui souhaite toute la réussite possible et je l'encourage à continuer à faire de grandes choses dans le futur.

Rick Fuckin' Rubin

En ce qui vous concerne, comment s'est réparti le travail entre les quatre différents studios utilisés pour l'album ?

Anthony : Tout a été fait à Los Angeles. Les rythmiques aux studios Sound City, l'endroit étant aujourd'hui un peu plus "célèbre" qu'avant puisque c'est là que Nirvana enregistra son Nevermind, puis aux Sound Factory pour les overdubs de guitare et à l'Ocean Way pour les overdubs de voix, le studio personnel de Rick Rubin ayant finalement servi au mixage.

Comment avez-vous vécu ce deuxième enregistrement "consuccèscutif" avec Rick Rubin ? Etait-ce foncièrement différent de Blod Sugar dans la méthode de travail ?

Rick ? ll se pointait tous les jours avec au moins une ou deux heures de retard sans sourciller, demandait systématiquement s'il y avait un repas de prévu, souriait en écoutant ce que l'on avait fait précédemment et puis se mettait soudain à bosser frénétiquement. C'est quelqu'un avec qui il est finalement trés facile de bosser, un vrai plaisir !

Tout aussi étonnant avec ce One Hot Minute, le sticker "Explicit Lyrics". Un "plaisir" auquel vous n'aviez pas eu droit sur Mother's Milk et Blood Sugar Sex Magik. Vous y attendiez-vous, Peppers ?

Hein ?! Tu sais quoi ? Eh bien je l'apprends et c'est plutôt un choc, parce que l'album était parti au comité de censure pour y être supervisé et qu'on nous avait communiqué qu'il ne le serait finalement pas !

Chad : Ouais, parce qu'en plus, tu sais quoi ? Eh bien le foutu sticker n'est pas sur la version américaine de l'album.

Anthony : Il n'y est pas ? Bizarre... fais voir le CD version européenne ? Ouais, ouais... ils ont fait l'effort de le faire beaucoup plus petit, cette fois, mais cette merde n'est malgré tout pas loin de gâcher le dessin...

Virés de chez AC/DC !

Et ce dessin est très certainement ce que vous avez fait de plus... gentiment enfantin en matière de pochette !!! Le pire dans l'histoire, c'est qu'un groupe comme AC/DC qui sort lui aussi son nouvel album et l'intitule Ballbreaker ("Casseur de Boule") avec des titres fins comme "Cover You In Oil" ("Te Recouvrir d'Huile") ou "Caught With Your Pants Down" ("Surpris Le Froc Tirebouchonné Sur Les Chevilles") n'aura, en revanche, trés certainement pas droit au sticker anti-expressif...

Ces types sont si profondément portés sur les métaphores qu'ils réussissent à y échapper, ça doit être ça !

Chad : Ils sont assurément les seuls à pouvoir s'en sortir de la sorte. Dans leur cas c'est au-delà de la bêtise et du ridicule, car ils sont si sincères dans ce qu'ils font que tout passe. Rick Rubin ayant travaillé simultanément sur nos deux albums, j'ai eu la chance d'assister à un bout des enregistrements, et la vision de cet écossais râblé et massif hurlant « Caught With Your Pants Doooown ! » dans une cabine de studio était plutôt hilarante, mais en même temps il le faisait avec une telle conviction qu'au final j'étais carrément preneur ! C'est dingue. Ces types-là sont dingues...

Anthony : Eh bien moi je me suis carrément fait virer de leur studio...

Chad : Ah ah ah ! Pourquoi t'auraient-ils viré ? Naaan... tu déconnes ?

Anthony : Ils m'ont foutu dehors, j'te dis !

Chad : Mais qui t'a foutu dehors ?

Anthony : Leur road manager est entré et m'a presque jeté à coups de pieds dans le cul...

Chad : Il savait qui tu étais ?

Anthony : Oui.

Chad : Ben alors, pourquoi ?

Anthony : Eh bien... voilà : comme on bossait dans le même studio qu'AC/DC, il nous arrivait parfois de leur rendre visite et de les saluer. Un jour, leurs portes étaient grandes ouvertes, alors je vais y faire un tour avec Louis, notre assistant, et nous commençons à jouer au fuzz-ball dans la pièce batterie déserte. C'est là que le type en question a dû nous dire un truc mais on ne l'a pas entendu. Apparemment, Malcom ou un autre membre du groupe était dans l'une des pièces du fond en train d'enregistrer des rythmiques et le type a dû nous demander de partir mais ça nous échappé, alors on l'a vu arriver comme une furie, lattant la fuzz-ball machine au passage en gueulant « Oh you bloody cunts, I said GET THE FUCK OUT OF HERE !!! »

Chad : Ah ah ah ah ah ah ah ah !...

Anthony : Et nous on était là, « Euh... HEL-LO-O ! » Ça a faillit être violent. Mais Angus et Malcom sont ensuite intervenus et le lendemain, je crois que notre homme était privé de thé pour toute la journée, ce qui était visiblement une punition sévère.

Tiens, d'ailleurs : êtes-vous des fans d'AC/DC ?

Personnellement je ne me considère pas comme un vrai fan d'AC/DC dans le sens où j'ai un peu "raté le train en marche", n'écoutant pas trop les mêmes trucs que la plupart des kids de ma génération. Mais je dois quand même dire que Back In Black est l'un de ces brûlots intemporels qui forcent le respect.

Chad : Moi j'adôôôre AC/DC ! Plutôt les premiers d'ailleurs, la période Bon Scott...

Making Of One...

Rassure-toi : tu n'es pas le seul... Depuis début septembre, on peut se prendre le clip de "Warped" entre les deux yeux sur MTV tout "space" qu'il est. Qui l'a réalisé ?

Anthony : Gavin Balden, un ami, qui a aussi réalisé Funky Monks, le précédent film sur l'enregistrement de Blood Sugar. D'ailleurs il n'en est pas resté là puisqu'il fait, en ce moment même, un nouveau reportage sur le groupe...

Sur l'enregistrement de One Hot Minute, exclusivement ?

Disons sur la vie et le temps passé autour de l'événement. Gavin est venu avec nous à Hawaï et a ramené beaucoup d'images auxquelles nous avons à notre tour ajouté quelques scénétes plus théâtrales et personnelles. Le résultat sortira souvent du cadre du reportage pour flirter avec un brin de comédie, et j'ai hâte de voir ça...

Chad : Tu parles ! Parfois ça me rappelle presque le The Song Remains The Same de Led Zep, la scène où John Bonham fonce en dragster... sauf que moi, ça sera un TRICYCLE, hein ?!


par Dominique DUJEAN


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