( Articles de presse )
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Pervers Peppers


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( Extrait du magazine "HARD N' HEAVY" (n°10 - Janvier 1995). )


Leur absence n'a que trop duré !
The Red Hot Chili Peppers prennent leur temps,
toujours enfermés dans un studio de L.A.
avec Rick Rubin, afin de donner naissance
au successeur de Blood Sugar Sex Magik.
Afin d'apaiser les impatiences, Hard N' Heavy
retrace les derniers mois de l'histoire du groupe.
Woodstock, l'arrivée de Dave Navarro,
un bout de chemin avec les Stones... Pas de doute,
y a toujours du mouvement chez les Peppers !

Quatre ans. Quatre bonnes années que les Red Hot vivotent sur le carton planétaire de Blood Sugar Sex Magik, l'album fonkament underground qui aura déclenché toute la folie Pepper, et toujours rien de neuf dans les bacs. Toujours rien de neuf, à l'exception des fonds de tiroir (maquettes préhistoriques), chutes de studio ("extras" enregistrés négligemment), témoignages scéniques et autres remixs marathon habituellement compilés dans ces cas-là par la ou les maisons de disques du groupe, histoire de maintenir le suspens et soutirer au fan transi ses derniers picaillons. On aura ainsi eu tout le temps de voir éclore le What Hits ?! de chez EMI et le Live, Rare and Remix de la Warner Bros., ce dernier sous l'apparence d'une boîte précieuse recouverte d'argent (ben tiens !), avant que EMI ne décide de contre-attaquer et de faire encore plus fort dans l'incongru compilé en sortant aujourd'hui Out In L.A., derniers affres du genre, tandis qu'on annonce le NOUVEL album depuis déjà quelques mois chez Warner !

RHCP COMME AEROSMITH ?

La sortie commerciale des premières maquettes enregistrées dans la salle de bain ou de quelques furies "live" approximatives mais inédites sonnent-elles le glas de la gloire pour les groupes qui la génèrent ? A voir comment le géant Aerosmith catalyse le même type de match effréné entre Columbia et Geffen dans sa deuxième vie, on serait prêts à parier que le petit poucet Chili Pepper, prince de l'arène psycho-sexy-fonk et dernier élu en date pour ce qui est de l'engouement général, vient lui aussi de rentrer dans la cour des grands, voire des "gros vendeurs", aux yeux d'un business qui restait pourtant sceptique (septique ? !) quant au potentiel commercial de ce groupe épileptique et "politically incorrect". Maintenant, Blood Sugar Sex Magik étant devenu la "bible" que l'on sait, ZE classique par excellence de l'art, on ne se fait pas trop de bile non plus quant à la suite de ce tremblement de terre musical, à lire comment le Pepper Anthony Kiedis appréhende aujourd'hui sa popularité hystérique naissante et envisage le futur de la Red Hot music.

Anthony Kiedis : Tout ce succès est étrange, parce que la musique que j'aime vraiment, celle en laquelle je crois et qui, à mes yeux, reste la plus belle et honnête, n'est pas toujours destinée à devenir populaire. Et j'aime à penser que c'est le cas pour la nôtre. Il y a tellement de trucs qui sortent et qui deviennent énormes alors qu'ils me semblent si préfabriqués et creux. Pour notre part, nous sommes seulement capables de créer à partir de quelque chose qui vient directement de ce que nous ressentons, de ce que nous savons, des expériences que nous avons vécues. Chez les Red Hot Chili Peppers, le refus de faire une chose en laquelle nous ne croyons pas est un mécanisme naturel et immédiat. Et ça, je crois que c'est plutôt positif.

LA VALSE DES GUITARISTES

Que l'âme prédomine sur le tiroir-caisse est effectivement un excellent moyen de continuer à faire de la bonne musique. Au même titre que l'acharnement du groupe à conjurer le mauvais sort qui semblait perdurer au poste de guitariste depuis le décès de son compagnon-fondateur Hillel Slovak, en allant chercher ses remplaçants successifs parmi les potes de longue date, mais surtout chez ses groupes locaux préférés. Ainsi, au milieu du grand bazar qui avait suivi la sortie de Blood Sugar Sex Magik et précédé cette réapparition "lumineuse" au Woodstock 94, les Peppers auront bien "usé" trois guitaristes avant de finalement tomber... d'accord sur le quatrième larron.

Loin déjà John Frusciante, "volé" à Thelonious Monk, corne verte plein d'avenir et artisan émérite du "son" Blood Sugar..., écrasé par le poids du succès du même album. Incapable de tenir le rythme frénétique des concerts, Frusciante quittait finalement le groupe en pleine tournée japonaise. Sans pour autant laisser tomber la musique, il a depuis travaillé à son propre album solo, lui aussi attendu officieusement depuis le mois de... novembre. Selon des sources sûres, il semblerait que ce retard soit principalement dû à la participation vocale du jeune acteur défunt River Phoenix sur deux titres d'un album qui en compterait... vingt-huit, la famille s'opposant visiblement à cette réapparition post mortem.

Remplaçant de Frusciante, le pote de longue date Arik Marshall aura eu, lui, un an pour s'exprimer au sein de la tribu, principalement sur scène et notamment celle du deuxième Lollapalooza lancé par Perry Farrell, ainsi qu'aux nombreuses remises d'Awards générées par le succès de Blood Sugar...

A son tour remercié à l'amiable, il est l'année dernière suivi d'un certain Jesse Tobias, guitariste remarqué par Kiedis lors d'un concert de Mother Tongue, groupe avec lequel Tobias venait tout juste de signer chez Epic. Malheureusement pour lui, l'intérêt croissant des Peppers pour leur ami Dave Navarro aura vite raison de son destin, Tobias faisant figure de Pepper éclair avec un seul et unique mois au poste, qui plus est détrôné par celui qui, d'après ses propres ex-potes de Mother Tongue, était son seul véritable héros guitaristique !

DAVE NAVARRO, LA PERLE RARE

Car le présent des Red Hot Chili Peppers s'écrit depuis maintenant plus de six mois avec ce Dave Navarro, guitar-man de feu Jane's Addiction et non pas, et jamais d'la vie, d'Infectious Grooves, comme votre dévoué drille avait pu nonchalamment l'écrire dans sa troisième et dernière fifiche sur les Peppers. Guitariste versatile, créateur des "apocalypses six-cordesques" de la Jane Accroc, mais aussi et surtout fan de la base Led Zep qu'il s'amuse parfois à remodeler avec les 4 Non Blondes sur cassettes perso, ce Navarro-là semble posséder toute la force intérieure et le goût du risque requis pour devenir Pepper à plein temps, rompu qu'il est de plus à l'épreuves des "chaos divers" entretenus par Perry Farrell à l'époque de Jane's Addiction. Et au moment où Farrell donne du Porno aux Pyros, Dave a lui tout l'air d'avoir déjà mis le feu aux "épiceries" nouvelles, à en juger par les quelques jams inédites qui ponctuèrent le set de Woodstock et les propres intentions du bonhomme déclamées récemment.

Dave Navarro : Je suis plutôt du genre varié, guitaristiquement parlant. Disons que je peux jouer de plusieurs façons, mais qu'en revanche, je ne suis pas, je ne me considère pas comme un guitariste "spécialisé". C'est ça qui, à mon avis, va être intéressant à amener au groupe. J'aimerais brasser tout ça sur l'album, peut-être un peu plus qu'ils ne l'avaient fait sur le précédent. Honnêtement, je ne peux généralement pas écouter un groupe qui reste le même tout au long d'un album, et c'est pour ça que ceux de Led Zeppelin sont, encore aujourd'hui, si grands.

DECONSTRUCTION, LA RECRE DE NAVARRO

Dans cet ordre d'idée, et après le split de la Jane, Navarro s'était d'ailleurs offert une petite récréation à travers le projet Deconstruction, groupe "solo" formé avec le tout premier bassiste de Jane's Addiction, Eric Avery, et dont l'album, aussi produit par Rick Rubin, grand amateur du Zep devant l'éternel, attend d'ailleurs toujours d'être sorti par American Recordings, son fameux label, tout du moins pour ce qui concerne l'Europe (les bacs import, viiiiite !). Cependant, vue la tournure des événements, on peut parier que Deconstruction attendra certainement la nouvelle cuvée Red Hot avant de sortir en plein jour. Affairé pour la deuxième fois consécutive aux manettes productrices de la galette épicée, le grand gourou de la prise live modèle mammouth a certainement plus à coeur de peaufiner le nouvel ouvrage collectif des Peppers, toujours enregistré à Los Angeles, que de s'enquérir du sort de la récré solitaire du p'tit nouveau vers lequel tous les regards convergent déjà. A moins, à moins... que les deux albums solo de Frusciante et Navarro ne viennent faire du coude à coude et, ainsi, copieusement gonfler l'effet Pepper pour 1995 ! En ce qui concerne Navarro, en tout cas, c'est clair : pas de prises de tête pour autant...

Dave Navarro : J'ai décidé d'ignorer les pressions de toutes sortes, ainsi que l'ampleur de ce nouvel album tant attendu des Peppers... Je vais le faire, déjà. Si ça marche, ce sera fabuleux. Et si ça n'est pas le cas, tant pis !

NOUVELLE DONNE. NOUVELLE ERE ?

Tout en se demandant si la Warner adhérerait à une telle attitude, on peut dès à présent se faire une idée de l'importance de cette nouvelle donne Pepperienne sur la carte du rock mondial. Démarré comme une farce, poursuivi dans la fureur conjuguée de l'urgence punk et du swing funk hilare, le hardcore fonk des Red Hot Chili Peppers a réconcilié les tribus et locomotivé nombre de vocations collectives, liberté d'expression et intégrité artistique en bandoulière. Plus qu'un groupe, c'est dorénavant un style, un esprit, une référence en la matière qui, avant de se figer, prend aujourd'hui le pari de repartir à la conquête de nouveaux terrains musicaux avec un élément neuf visiblement équipé pour, tout du moins partant pour relever le défi.

Après la dope, la provoc', les outrages dénudés et les retombées compilées de la gloire, la Red Hot music reprend ses droits. Supputé, espéré, annoncé depuis maintenant quatre mois par la Warner, l'album mystère devrait être près de chez vous aux alentours de... l'année prochaine et, pourquoi pas, au mois de janvier, bien que le point d'interrogation sournois et persistant qui accompagne aujourd'hui cette prévision nous fasse, avouons-le, salement saliver. (NDLR : selon les derniers échos, ce serait plus sûrement pour mars. Y va t'nir le choc jusque-là, le Duj' ?)

Le groupe ? Ça va pour lui ! Ses démêlés malheureux avec les producteurs de Sesame Street (1, Rue Sésame - Hey, Bart !) mis à part (la production était en contact avec les Red Hot mais elle se serait finalement ravisée à cause de la réputation "outrageante" du quartette - Hey, Bart, tu flippes ??!), la troupe entretient sa nouvelle flamme sur toutes les scènes possibles, variant les plaisirs en attendant le jour J. Ainsi, après Woodstock bis, "a couple of" concerts-surprises à New York, la tête d'affiche du festival de Reading et la finition studio de l'album, les rois du "chauffe-qui-peut" ont carrément eu tout récemment l'honneur de l'ouvrir en grand et de la chauffer sérieux pour les Stones, juste en dessous de leur colline d'Hollywood, là où tout avait commencé. Alors, la boucle bouclée, et le début d'une nouvelle ère... Pepper ???


par Dominique DUJEAN


LE SAVIEZ-VOUS ?

Parmi les nombreux projets parallèles montés par les
différents protagonistes de la constellation RHCP,
on ne manquera pas de s'arrêter bientôt sur The Three Amoebas,
regroupant Flea, John Frusciante et Steven Perkins
(actuel batteur de Porno For Pyros).
En effet, les jams impromptues de nos trublions pourraient
sous peu être gravées dans l'éventualité d'une sortie.
Frusciante confessait il y a peu qu'il avait déjà à sa
disposition une quinzaine d'heures de bandes.


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